Mis à jour : lundi 12 septembre 2022

Horus, prince du soleil : Art et technique

L'animation

A la fin des années 50, deux styles d'animation se côtoient. La « full animation », caractérisée par des mouvements fluides et réalistes à la Disney et le « style UPA », du nom de la société américaine d'animation. Le « style UPA » ou « animation limitée » est une animation plus simple et minimaliste, mais convaincante, avec très peu de dessins où seul compte le rythme et l'imagination. Animation reine à la télévision japonaise qui l'a poussé dans ses derniers retranchements depuis les années 70, c'est le style développé à l'origine par Osamu Tezuka. Selon Tezuka, l'animation devait être accessible à tous et elle ne devait donc pas être trop technique ni élaborée. L'important étant d'atteindre un public le plus large possible. Horus, prince du soleil s'oppose aux méthodes de Tezuka et tend vers un film le plus soigné possible.

Pour leur film, Isao Takahata et son équipe ont fait le choix d'une animation exigeante, reposant sur un character design simple avec peu de détails pour une économie de traits. On ne retrouve pas trop les excès graphiques caractéristiques de l'animation japonaise parfois critiqués : les personnages du film ont des yeux certes assez grands mais on n'observe pas d'ouverture de bouche gigantesque, par exemple. Ils conservent une certaine forme de réalisme sans se couper de la tradition graphique.

Isao Takahata en recherche de mouvement.

L'animation proposée par Horus, prince du soleil est plus ambitieuse que celle de la télévision mais en contrepartie va coûter plus cher et plus de temps. Durant la production, l'équipe s'arrête sur de nombreux détails, comme, par exemple, la représentation de la mer. Les propos ci-dessous montrent le perfectionnisme qui habitait Yôichi Kotabe.

« La mer devait être crédible », explique Kotabe. « Nous devions la représenter de façon réaliste. Il fallait la dessiner dans les détails en montrant les embruns, les effets de transparence, d'ombres et de lumière. Si son graphisme avait été trop simplifié, elle aurait dénoté dans le film. Dans un souci d'harmonisation, j'ai essayé de la représenter de la façon la plus réaliste possible. Je ne me suis pas inspiré d'autres films. Je me suis fié à ma perception personnelle. L'été, je suis allé au bord de la mer. Je passais des heures à observer les vagues en me demandant comment je devais les représenter. Autrement dis, je n'ai pas travaillé à partir de documents. J'ai voulu vérifier les choses de mes propres yeux et cela a été très difficile. »

Pour situer la qualité de l'animation dans Horus, prince du soleil, nous sommes face à une animation intermédiaire, avec moins de dessins (intervalles) que chez Walt Disney. Mais ce manque est compensé par un gros travail sur le « jeu » des personnages, le cadre, les « mouvements de caméra » et l'utilisation judicieuse de cycles d'animation.

Toute personne ayant déjà vu le film sait qu'une animation limitée coexiste également avec cette animation intermédiaire lors de deux séquences. Ces deux séquences d'attaque du village par les loups puis par les rats, en images fixes, montées très rythmées, si elles offrent un contraste, ne choquent pas beaucoup le connaisseur d'animation japonaise de l'époque ni l'actuel, l'œil ayant déjà été exercé à ce procédé grâce à la série TV. Celui-ci, très certainement utilisé par manque de temps ou pour des raisons budgétaires, n'entache en rien les autres moments de bravoures animées du film comme la séquence d'ouverture de combat entre Horus et les loups ou contre le brochet géant.

La musique

A l'époque d'Horus, prince du soleil, comme pour tout le reste, les films de la Tôei Dôga doivent reposer sur des modèles Disneyens, donc comporter des chansons. Encore une fois, Isao Takahata va habilement détourner cette contrainte. C'est le compositeur Michio Mamiya, qui œuvrait plutôt à l'époque dans le domaine du documentaire et qui n'a presque aucune expérience de la composition pour un film dramatique, qui a choisi les thèmes musicaux du film.

Le compositeur Michio Mamiya.

Cependant Takahata savait ce qu'il voulait. Il faut savoir que le réalisateur est un amateur de musique averti. Il a supervisé les choix musicaux sur des films comme Nausicaä de la Vallée du Vent, Le château dans le ciel ou encore Kiki, la petite sorcière de Hayao Miyazaki. Cependant, sa première expérience en la matière remonte à Horus, prince du soleil. Pour le film, il a demandé au compositeur de s'inspirer de la musique de l'Europe de l'Est qu'il aime beaucoup et qui convient bien aux scènes de danses et de liesse.

Comme une attention toute particulière dans la représentation des détails de la vie quotidienne des villageois a été apportée, c'est ainsi que les chants et les musiques ont joué un rôle important. La musique a été utilisée dans les scènes de groupe, lorsque les personnages se rapprochent ou que de nouvelles relations se nouent, comme celles des danses du mariage ou de la pêche. Les chansons d'Hilda jouent également un rôle important. Hilda vient du Nord, elle est étrangère au village. Takahata voulait donc qu'elle chante une mélodie exotique. Le film se passe dans une Europe imaginaire, Takahata a donc demandé au compositeur de s'inspirer de la musique de la Renaissance à laquelle le réalisateur s'intéressait aussi à cette époque.

« Le chant lors de la récolte possède un rythme un peu similaire à celui des musiques traditionnelles tchèques ou hongroises », explique Mamiya. « Par contre, la chanson d'Hilda a un style plus « Renaissance ». Cette hétérogénéité peut choquer. Pourtant, elle était raisonnée, car avec Takahata nous voulions exprimer que dans le film des cultures disparates entraient en contact. »

L'enregistrement de la musique s'est faite en deux temps car la production d'Horus, prince du soleil a été interrompue plusieurs fois. Certains morceaux sont finalisés avant les dessins, d'autres sont écrits en regardant les rushes. Il y a eu plus d'un an entre la première et la seconde étape, la difficulté étant d'harmoniser le résultat final. La production du film fut un combat à chaque étape, pour la musique également, et il en résulte des aspects positifs comme négatifs.