Mis à jour : mardi 11 octobre 2022

Les contes de Terremer : Entretien avec Gorô Miyazaki
donné à l'occasion de la sortie des Contes de Terremer

À l'occasion de la campagne de promotion des Contes de Terremer en France, Buta Connection s'est entretenu avec le réalisateur Gorô Miyazaki pour le compte de Yahoo!.

Nous aimerions mieux vous connaître aux travers de vos principales influences artistiques. Pouvez-vous nous en parler ?

Pour les réalisateurs, ce sont messieurs Hayao Miyazaki et Isao Takahata qui m’ont le plus influencé. En fait, je ne suis pas très fier de vous avouer cela, mais je dois être le réalisateur japonais qui a vu le moins de films dans sa vie (rires) ! En littérature, je n’ai pas de réelles préférences mais Terremer est une des œuvres qui m’a le plus influencé. Je les ai lus et relus, ce qui est plutôt rare chez moi. De même, dès la lecture terminée, j’oublie souvent ce que j’ai lu. Or Terremer est resté gravé dans ma mémoire.

Vous étiez originellement paysagiste puis directeur du musée Ghibli. N’a-t-il pas été dur de passer à l’animation ? Quelles ont été les principales difficultés rencontrées dans la production des Contes de Terremer ?

Quel que soit le travail, il est facile de savoir ce qu’on doit faire : il suffit d’écouter et de demander des informations à ses collègues. Donc non, en ce sens, cela n’a pas été très difficile de devenir réalisateur. Et puis apprendre des nouvelles choses est toujours très intéressant ! Ce qui a été plutôt difficile, c’est de convaincre les animateurs du studio, de leur montrer que j’étais capable de prendre la direction. Personne ne pensait qu’un débutant comme moi pouvait être le réalisateur d’un long métrage du jour au lendemain, ce qui est vrai, car ce n’est pas parce que je suis le fils de Hayao Miyazaki que je suis automatiquement capable de prendre la direction d’un film ! Au départ, les animateurs étaient donc très inquiets. De plus, je devais leur demander de faire quelque chose d’inédit pour eux. Cela a pris donc du temps pour que les animateurs comprennent que mes suggestions n’étaient pas des idées en l’air et que je voulais vraiment produire un film différent des autres. Pour m’imposer, j’ai dû prendre moi-même le crayon et dessiner devant les animateurs pour leur expliquer directement ce que j’attendais d’eux, et ça a fonctionné !

Le film a été très critiqué par la presse au Japon, alors qu'il a connu un vrai succès populaire. Comment l'expliquez-vous ? Comment l'avez-vous vécu ?

J’essaie de ne pas trop lire les commentaires : ce n’est pas trop bon pour ma santé mentale (rires). Mais j’étais sûr que le public allait comparer mon film avec ceux de mon père. Je ne voulais pas donc être influencé par ce genre de critiques.

Le graphisme évoque un manga de votre père, Le voyage de Shuna, qui est d’ailleurs crédité au générique. Vous posez-vous comme un continuateur de votre père ou bien souhaitez-vous vous éloigner petit à petit du style de votre père ?

En ce qui concerne le style des dessins, nous avions décidé dès le départ avec le président du studio Ghibli, Monsieur Suzuki, de conserver le même style d’expression que celui des films de mon père et du studio Ghibli. Et puis je n’avais pas assez d’expérience ni le temps nécessaire pour produire quelque chose de réellement différent. Pour Les contes de Terremer, j’ai donc choisi de garder le même style d’expression que mon père. Cependant, nous avons tous deux des visions très différentes de la mise en scène et il n’est pas impossible que l’on remarque une différence dans l’expression des dessins. Ainsi, mon père place toujours la caméra du point de vue du personnage, en subjectif. Pour ma part, j’opte pour plus d’objectivité. Disons que ma caméra se situe environ à trois mètres des personnages, je prends toujours un certain recul. Isao Takahata a un peu cette façon de filmer, cette caméra toujours un peu éloignée des personnages. En résumé, chez mon père, la caméra se situe juste à coté des personnages, chez Takahata, elle est à une dizaine mètres et moi, j’essaie d’être entre les deux !

Le ton du film est très sombre, avec des scènes parfois dures. À quel public destinez-vous votre œuvre ?

Initialement, mon film s’adressait à un public de 10 à 20 ans. Mais à la sortie des Contes de Terremer, je me suis rendu compte que des enfants moins âgés avaient parfaitement compris mon message. J’en ai été à la fois très surpris et content. Je crois que ce sont les thèmes abordés dans le film qui ont plu à un public plus large que je ne le pensais. Je voudrais vraiment que toutes les générations puissent regarder mon film.

Avez-vous un nouveau film en vue ? Avez-vous encore des attaches au musée Ghibli ?

Depuis que j’ai terminé Les contes de Terremer, mon père a un regain d’ambition (rire). Il a vraiment envie de repasser à la réalisation. Il m’a d’ailleurs dit qu’il avait encore pleins d’idées et de projets ! Donc, je ne sais pas s’il va me laisser une seconde chance... Pour l’instant, je n’ai aucun projet mais j’aimerais vraiment reprendre la direction d’un film dans un futur proche.

Entretien réalisé le 28 février 2007 à Paris