Mis à jour : vendredi 7 octobre 2022

Kiki, la petite sorcière : Analyse

La magie du quotidien

Kiki, la petite sorcière n'est pas un film épique comme Nausicaä de la Vallée du Vent ou encore Princesse Mononoke. Il se rapprocherait plutôt de Mon voisin Totoro quant au ton et au rythme de l'histoire. C'est d'ailleurs le tour de force que réussit Hayao Miyazaki : faire du quotidien une aventure.

Ce n'est pas pour autant qu'il n'y a pas d'action. Les décollages souvent capricieux de Kiki, son vol à travers une horde d'oiseaux hostiles, la descente avec Tombo sur le vélo à hélice et surtout le sauvetage à la fin du film, sont des séquences toutes remarquablement rythmées et mises en scène, et se regardent avec une réelle excitation. Mais ce qui fait le charme et l'attrait de ce film au rythme posé est la description du quotidien de Kiki, héroïne particulièrement attachante. Qui n'est pas touché par la tendresse et la passion avec laquelle Miyazaki nous conte les péripéties et les rencontres de sa petite sorcière dans son voyage d'apprentissage ?

Si l'on se sent si proche de Kiki, c'est parce que Miyazaki a su capturer à merveille ce qui fait les joies et les peines de son héroïne adolescente. C'est également avec une incroyable justesse que le réalisateur retranscrit ses espoirs et ses doutes quant à sa capacité à s'intégrer en lieu étranger. Tous ces sentiments sont ceux qu'a connus n'importe quelle jeune fille cherchant à gagner son indépendance et à s'affirmer.

Chaque spectateur a vécu les préoccupations et éprouvé les sentiments de Kiki lorsqu'il a eu son âge. Combien de films destinés à un jeune public évoquent, par exemple, les longs après-midi d'été durant lesquels rien ne se passe et montre que les choses sont parfois ennuyeuses pour tout le monde, même pour ceux qui possèdent des pouvoirs magiques ? Car, malgré ses pouvoirs magiques, Kiki n'en reste pas moins une fille ordinaire habitée par le même sentiment de torpeur que les adolescents connaissent lorsque le temps semble s'arrêter.

Ce même public comprendra aussi les angoisses soudaines qui peuvent frapper la jeune fille face à l'indifférence générale de la population. Enfin il reconnaîtra ce comportement contradictoire de Kiki rejetant parfois la main que l'on veut bien lui tendre.

Avec une délicatesse infinie, le film remémore aux parents et rassure les enfants sur la gène que l'on peut éprouver lorsqu'on s'installe dans la maison de quelqu'un d'autre, les peurs que l'on ressent lorsque les choses ne vont pas comme on l'avait prévu ou qu'un problème semble sans solution. Les jeunes filles regardant Kiki réussir peuvent espérer, elles aussi, se faire une place dans la société et être reconnue tout en restant elles-mêmes.

La recherche de l'autonomie

Dans Kiki, la petite sorcière, le vol est une triple métaphore, évoquant aussi bien l'indépendance, la solitude ressentie lorsqu'on est différent, que le talent sous toutes ses formes. Ursula, l'amie de Kiki est une artiste-peintre et le tableau qu'elle a réalisé (qui joue un rôle déterminant dans le fait que Kiki parvienne à retrouver sa confiance en soi) a été composé par des élèves d'une école spéciale pour enfants handicapés de la ville de Hachinohe. Il a ensuite été retouché par une équipe du studio Ghibli et Miyazaki a rajouté le visage de Kiki. Il est intitulé Le vaisseau volant au-dessus de l'arc-en-ciel. Sa présence dans le film et son rôle central dans l'histoire veulent nous convaincre que même ceux dont l'indépendance est réduite à son niveau le plus élémentaire, sont capables, à leur façon, de voler de leurs propres ailes, si on leur en donne l'opportunité et si on les encourage.

Kiki, la petite sorcière est la célébration des personnes ordinaires (les personnages sont tous très attachants) et de la vie de tous les jours. Mais les faits à première vue anondins sont plus significatifs qu'il n'y parait...

Miyazaki signe là un très beau film, souvent injustement présenté comme une simple parenthèse dans sa carrière. Comme Mon voisin Totoro, c'est un film débordant de tendresse et comme Porco Rosso, c'est une œuvre à laquelle on ne fait pas forcément attention, avant d'en tomber littéralement amoureux...

Qu’est devenue Kiki après la fin du film ?

Cette couverture du magazine Animage, signée de Katsuya Kondô et datant de septembre 1989, nous donne une piste. Le character designer du personage s’amuse à imaginer la petite sorcière devenue complètement citadine et intégrée à sa ville, 3 ans plus tard.

Quant à Jiji, finit-t-il par retrouver la parole ? Pour Hayao Miyazaki, la réponse est non. Pour le réalisateur, la perte de sa faculté de communiquer avec Kiki à la fin de film n’est pas due à la perte des pouvoirs magiques de la petite sorcière. Miyazaki a expliqué, qu’à la base, Jiji a toujours été une voix dans la tête de Kiki. La voix de Jiji est la voix de Kiki elle-même. A la fin du film, Kiki a grandi, elle n’a donc plus besoin de la voix de Jiji. C’est donc Kiki qui a changé et non son chat Jiji.