Mis à jour : dimanche 14 mars 2021

M. Pâte et la princesse Œuf :
Le nouveau défi de Hayao Miyazaki

Le texte ci-dessous est tiré de l’émission japonaise Professional Shigoto no Ryûgi sur la chaîne NHK, habituée depuis plusieurs années à suivre le studio Ghibli dans la création de ses films. Les images ont été tournées durant la production du film Arrietty, le petit monde des chapardeurs.

Sur ce film, Hayao Miyazaki, seulement crédité à la planification, est écarté de la réalisation pour laisser sa place à une jeune pousse nommée Hiromasa Yonebayashi. Le réalisateur en profite, non sans une pointe d’orgueil, pour se lancer un nouveau défi et tenter de repousser le niveau de qualité de l’animation traditionnelle auquel le studio a habitué son public.

Koganei (Tôkyô), studio Ghibli

Deux ans après la fin de la production de Ponyo sur la falaise, Hayao Miyazaki s’est lancé un nouveau défi et a commencé à travailler discrètement sur un tout nouveau projet.

« Je ne sais pas ce que ça va donner. Pour l’instant, il n’y a pas de paroles. »

M. Pâte et la princesse Œuf est prévu pour être diffusé au musée Ghibli en novembre 2010. Pour ce court métrage d’une dizaine de minutes, Miyazaki veut s’essayer à quelque chose d’extraordinaire, quelque chose que le studio Ghibli n’avait jamais tenté jusqu’à présent.

Une animation traditionnelle fabuleuse

Hayao Miyazaki travaille dans le milieu du cinéma d’animation depuis 48 ans maintenant et sa carrière est jalonnée de défis. C’est sur Princesse Mononoke que le réalisateur a commencé a utilisé le numérique pour la première fois (NDT : en fait, plutôt depuis le clip musical On Your Mark). Jusqu’au Château ambulant, il a approfondi cette technique pour donner du relief à ses images. Mais pour Ponyo sur la falaise, il a décidé de se passer du numérique et il est revenu à l’animation traditionnelle. Il a essayé de faire bouger un maximum d’éléments à l’image juste avec des dessins créés à la main.

Pour ce nouveau court métrage, il a souhaité aller encore plus loin qu’avec Ponyo dans cette voie. M. Pâte et la princesse Œuf compte au total 24 000 dessins pour juste 10 minutes d’animation. C’est un travail qui génère une pression énorme.

« J’aurai 70 ans l’année prochaine et c’est un tournant pour moi. Quand je travaille, je comprends quand un dessin n’est pas très bon et quand je dois le refaire et comment le refaire. Mais si je le refais, ça me prend encore plus de temps et ça me fatigue. Finalement, je dois continuellement me convaincre. Donc, c’est dur. »

A cause de son âge, la fatigue corporelle se fait de plus en plus ressentir. Mais Hayao Miyazaki ne baisse pas les bras. Il est en lutte permanente pour tenter de trouver une réponse à sa question.

Quelle œuvre marquera le 21ᵉ siècle ?

« On ne sait pas quel film, thème ou technique, marqueront le 21ᵉ siècle » explique le producteur Toshio Suzuki. « Mais, avec M. Pâte et la princesse Œuf, il voulait explorer une piste, sans savoir où il allait, sans aucune visibilité. Il a donc dessiné, dessiné et encore dessiné. Il a beaucoup souffert en dessinant pour ce film, sans être sûr du résultat. »

Ce jour-là, Miyazaki est en train de dessiner une scène importante, celle où M. Pâte sauve la princesse Œuf, retenue prisonnière. Cette scène se situe vers la fin du film.
Il est en train de réfléchir à la position que doivent adopter les énormes mains de M. Pâte pour saisir la frêle princesse. Il n’a pas beaucoup de choix et doit dessiner minutieusement trait par trait. À la fin de la journée, il a enfin fini de dessiner son plan et uniquement celui-ci. 115 dessins seront nécessaires au final, pour 5 secondes d’animation.

27 août 2010, projection interne

Hayao Miyazaki est reconnu mondialement pour être l’un des plus grands réalisateurs contemporains. Mais qu’est-ce qui le pousse encore à relever ce genre de défi ?

« L’obstination et la vanité » répond avec sérieux le réalisateur avant de s’en aller en riant. « Il ne me reste que ça. Je n’ai pas mieux à répondre. »