Mis à jour : vendredi 8 mars 2024

Le voyage de Shuna

Shuna no Tabi (Le voyage de Shuna) est sans doute le manga le plus important de Hayao Miyazaki après Nausicaä de la Vallée du Vent. Ce n'est pourtant qu'un petit livre de 147 pages au format 11 × 15 cm publié en 1983 par Animage dans sa collection Juju Bunko, alors que Miyazaki travaillait déjà sur son manga fleuve.

Le voyage de Shuna est une bande dessinée entièrement coloriée à la peinture à l'eau. Comme pour Princesse Mononoke (le premier projet), il s'agit plus d'un livre d'images que d'une bande dessinée : il n'y a souvent qu'une ou deux cases par page, les bulles de texte pour les dialogues sont rares, et le principal de l'histoire est raconté dans un format de narration qui lui donne la saveur d'une conte populaire.

Ce dernier point n'est pas un hasard : Le voyage de Shuna est en effet fondé sur une légende tibétaine d'un « prince qui a été transformé en chien ». Il est néanmoins difficile de deviner que ce conte traditionnel ait inspiré le monde original et cohérent que nous présente Miyazaki.

Histoire

Shuna est le prince d'un petit pays très pauvre. Son peuple parvient à peine à tirer des terres arides et gelées de quoi survivre. Un jour, Shuna trouve un étranger évanoui, terrassé par la fatigue et la faim. Avant de mourir, le vieil homme lui montre un petit sac contenant des graines comme il n'en a jamais vu. L'homme a longtemps recherché en vain des graines germables de cette espèce qui auraient permis à son peuple de ne plus jamais souffrir de la faim. En entendant cette histoire, Shuna est à son tour déterminé à trouver et ramener ces graines miraculeuses dans son pays. Il entame alors un long et périlleux périple.

Commentaires

Le voyage de Shuna est souvent considéré comme un prototype du manga Nausicaä, mais aussi du film Princesse Mononoke. Outre les thèmes généraux de la quête et de la survie, de nombreuses scènes sont familières à l'œuvre de Miyazaki. Avec Nausicaä et Princesse Mononoke, le maître fera même une multitude de recyclages : la monture de Shuna (Yakkuru), les masques et les montures des marchands d'esclaves (les Dorks), la rencontre avec le vieux moine (Jiko-bô), le cube géant vivant (la crypte de Shuwa)...

En 2006, Gorô Miyazaki s'inspirera très largement des planches de son père pour poser l'univers graphique de son premier long métrage, Les contes de Terremer. Le manga sera d'ailleurs crédité au générique du film.

Le voyage de Shuna est un récit sombre et dur dans lequel Miyazaki exprime une fois de plus sa fascination pour la nature et sa compassion pour le genre humain. L'histoire est plus personnelle que dans Nausicaä ou Princesse Mononoke, dans le sens où ne s'y joue pas le destin de la planète ou de l'humanité. Mais les personnages possèdent déjà cette incroyable volonté de vivre et cet espoir sans faille qui définiront l'archétype des héros miyazakiens.

« Quand j'ai lu pour la première fois ce conte populaire, c'était mon rêve de l'animer. Mais l'histoire n'était pas assez intéressante pour gagner l'approbation de la production. »

C'est peut-être le cas, mais nous sommes reconnaissants à Miyazaki d'avoir mis son histoire en image dans une bande dessinée, medium finalement bien trop rare chez lui. Le voyage de Shuna est un manga que tous les amateurs de l'œuvre de Miyazaki se doivent de connaitre.

L'adaptation radiophonique

Le voyage de Shuna a connu l'honneur d’être adapté sous forme de drama et diffusé à la radio japonaise le 2 mai 1987.

À l’époque, il s’agissait là d’une des premières émissions enregistrées en stéréo. Shuna était alors doublé par Yôji Matsuda, doubleur d’Asbel dans le film Nausicaä de la Vallée du Vent.

Cet enregistrement fut rediffusé le 23 septembre 2015 sur NHK FM. Yôji Matsuda dirigea cette rediffusion et présenta des anecdotes liées à l’enregistrement initial. Des commentaires du producteur Toshio Suzuki furent aussi proposés pour l’occasion.

Traduction

Hors du Japon, Le voyage de Shuna reste inédit pendant près de quatre décennies. C’est Alex Dudok de Wit, le fils du réalisateur néerlandais Michaël Dudok de Wit (La tortue rouge), qui débloque la situation auprès du studio Ghibli. En 2020, son coup de cœur pour le manga le pousse à prendre l'initiative de demander à Ghibli l'autorisation de le traduire et de l'éditer à l'étranger. Contre toute attente, le studio donne son accord et le livre sort aux États-Unis chez First Second en 2022 sous le titre Shuna's Journey dans un format plus grand que la version japonaise. Plus de 100 000 exemplaires sont vendus et l'ouvrage reçoit en 2023 le prix Eisner de la meilleure édition américaine d'une œuvre internationale.

La couverture de la version française aux Éditions Sarbacane (2023)

En France, une bonne douzaine de maisons d’édition tentent leur chance auprès de Tokuma Shoten, l’ayant droit japonais, mais le studio Ghibli ne souhaite pas que ce soit un éditeur de mangas qui publie le livre. C'est finalement les Éditions Sarbacane qui remportent les droits d'édition en France. Coïncidence du calendrier, la version française est disponible le 1er novembre 2023, jour de la sortie du douzième long métrage de Hayao Miyazaki, Le garçon et le héron. Avec 75 000 exemplaires imprimés, il s’agira du plus gros tirage de la maison d’édition. Plusieurs réimpressions suivront. Négociées après la France, d'autres traductions étrangères sont curieusement parues en avance : l'allemande en septembre, l'italienne et l'espagnole courant octobre.


Sources : Nausicaa.net - Ghibli no Sekai