Mis à jour : samedi 22 janvier 2022

La tortue rouge : Production

Développement du projet

C'est fin avril 2015 que le projet fait enfin sérieusement parler de lui, confirmant surtout que le film est bien en développement. Un extrait est présenté lors du Festival de Cannes, et une séance de work-in-progress est également proposée en juin, lors du Festival international du film d'animation d'Annecy 2015.

C’est surtout lors de cette rencontre publique que le projet se dévoile enfin.
« La genèse est assez incroyable » explique à cette occasion Michaël Dudok de Wit. « Tout a commencé par un mail du studio Ghibli qui avait deux questions. « On aime beaucoup votre court métrage Père et fille, est-ce que vous avez pensé le distribuer au Japon parce que ça nous intéresse ? » Et la seconde question était : « est-ce que vous voudriez faire un long métrage avec nous ? » Cela m'a évidemment plus que surpris car j'avais déjà rencontré brièvement Takahata à deux occasions. Je connaissais aussi Toshio Suzuki, mais il n'avait jamais été question de collaborer ensemble. J'ai rapidement compris qu'ils voulaient essayer d'initier un projet dont j'écrirai l'histoire et assurerai la réalisation en Europe. De leur côté, ils le produiraient avec Wild Bunch. »

Isao Takahata et Toshio Suzuki à l'accompagnement du projet

Alors que les maigres et précédentes informations sur le film suggéraient que l’instigateur de ce projet était Hayao Miyazaki, le réalisateur néerlandais laisse finalement entendre que c’était plutôt Isao Takahata et Toshio Suzuki qui le suivaient.
« J'ai alors commencé à beaucoup parler avec Suzuki, mais surtout Takahata. Et malgré nos grandes différences culturelles, nous étions d'une façon étonnante sur la même longueur d'ondes. »
Isao Takahata demande à Dudok de Wit de lui envoyer un premier synopsis. « Je n'avais à la base pas d'idée pour un long métrage, juste quelques thèmes. Et l'un d'eux tournait autour d'un naufragé sur une île déserte tropicale. »
Dudok de Wit commence par faire parvenir quelques dessins préparatoires au fusain du personnage principal ainsi qu’un synopsis au studio Ghibli. Il reçoit très vite l’accord pour écrire son scénario. Parallèlement à cela, il effectue un travail de repérage sur une petite île déserte des Seychelles qui va lui permettre notamment de filmer une tortue au moment de la ponte.
« Le studio Ghibli possède une culture très forte du cinéma d'auteur, respectant la vision artistique des réalisateurs, même en cas de désaccord. Au début, je leur posais beaucoup de questions pour savoir ce qu'ils pensaient. Ils ne répondaient pas. Mais un jour, Takahata m'a dit : « Tu veux vraiment avoir notre opinion ? » Et à partir de ce moment-là on a eu de vrais échanges, car leurs idées étaient très intéressantes. Je peux vous citer un exemple. Il y aura trois personnages dans le film : un homme, une femme et un enfant. Le personnage de la femme est un peu mystérieux, proche de la nature, et j'avais un peu de mal à le cerner. Un jour, Takahata m'a dit : « Tu sais, au Japon, les femmes sont plus fortes que les hommes. » Son interprète, qui était une femme, m'a traduit sa réponse en ajoutant : « c'est aussi mon opinion. »

Scénario et storyboard

L'étape suivante consiste en l’écriture d’un scénario complet pendant plusieurs mois à l’aide d’une coscénariste, Pascale Ferran. Lors de la rencontre, le réalisateur a sciemment voulu ne pas trop s’étendre sur l’histoire réelle du film pour garder la surprise. Il confie néanmoins, qu’avec cette histoire de naufragés sur une île tropicale, il ne souhaite pas vouloir céder à l’image de carte postale de la vie paradisiaque sur une île déserte. « On a tous une vision idéalisée des îles tropicales avec des palmiers et le ciel bleu. Or c'est loin d'être le cas. Le ciel est souvent gris, il pleut, il y a des insectes. Et l'esprit du film est justement d'éviter cette vision de carte postale. »

En septembre 2015, le Chunichi Shinbun révèle dans ses pages que, pour les besoins du projet, le réalisateur néerlandais a dû louer une chambre à Koganei, près du studio Ghibli, et a passé 6 mois à la création du storyboard du long métrage. Celui-ci, a principalement été contrôlé par Isao Takahata. Ce n’est seulement que lorsque ce document a été achevé que le réalisateur est revenu en France pour entrer en production.
Le quotidien japonais précise encore que le film sera sans dialogue.

Production

La direction artistique se précise ensuite et la production peut alors se mette en place.
L’animation sera produite à Angoulême par une équipe réduite de dessinateurs triés sur le volet pour une animation homogène. « Il y a très peu de cartoon, tout doit être réaliste. Et c'est sans doute ce qu'il y a de plus difficile à faire. J'ai tout de suite senti par exemple que les gens qui avaient travaillé sur L'illusionniste (de Sylvain Chomet, sorti en 2010) seraient de parfaits candidats. »
Seule quelques éléments comme la tortue ou le radeau seront animés en 3D avec un rendu traditionnel. « On a très vite été convaincus que ce serait beaucoup mieux car c'est un objet dur avec des mouvements prédictibles, et rendre compte des changements de perspective aurait été trop compliqué. On a donc choisi une 3D classique avec un look final 2D, ce qui fait que personne ne se rendra compte de la différence. »
Les décors seront dessinés au fusain, rehaussés eux aussi de numérique. « Je me suis aperçu qu'on avait tout de même plus de possibilités et de flexibilité avec le numérique. On peut faire des modifications sans avoir à gommer, donc sans aucune perte de qualité. Et comme certains assistants animateurs travaillaient tout de même à l'étranger, c'était absolument nécessaire. C'est vraiment quelque chose que j'ai l'intention d'explorer dans le futur, quand j'aurai un peu plus de temps. »

Tests d'animation extrait d'un sujet TV de la chaîne Arte consacré au Festival d'Annecy 2015.

Sortie du film

Lors de ses vœux pour 2016, le site officiel du studio Ghibli a indiqué que le film serait leur actualité principale pour cette année. Le film est d'abord présenté en Sélection Officielle (Un Certain Regard) à la 69ᵉ édition du Festival de Cannes ou il remporte le Prix Spécial du Jury le 21 mai 2016. Quelques jours après, en juin, il fait l’ouverture du Festival international du film d’animation d’Annecy. Après plusieurs avant-premières, il sort ensuite en salles le 29 juin en France puis le 17 septembre au Japon. Dans ces deux pays, le film reçoit des critiques globalement très positives. Si en France, le film obtient un beau succès en salles, au Japon, le public boudera le film. La même raison avancée revient sur les réseaux sociaux : « ce n'est pas un film de Hayao Miyazaki », attestant que ce n’est pas le nom du studio Ghibli qui fait se déplacer les spectateurs au Japon mais bien le nom de son co-fondateur.