Mis à jour : vendredi 11 mars 2022

Souvenirs de Nausicaä de la Vallée du Vent
par Hideaki Anno

Hayao Miyazaki aurait-il été depuis toujours un réalisateur difficile ?
Avant de prêter sa voix à Jirô dans Le vent se lève, le réalisateur Hideaki Anno (Evangelion) se remémore sa rencontre et sa relation de maître à élève avec Miyazaki sur Nausicaä de la Vallée du Vent et évoque la production du film sous la forme de deux planches de manga.
Les anecdotes proposées ici, ont été publiées dans un magazine d’animation il y a quelques années.

(Cliquez pour agrandir l'image.)

« Tout le monde travaillait comme des jouets dans une situation en état d’urgence. Pour ma première réunion avec Miyazaki-san, j’avais complètement le trac. Je ne disais que « oui » et aucun autre mot. J’avais entendu dire que Miyazaki était quelqu’un de très sévère, mais finalement ce n’était pas le cas.
La période où je me suis retrouvé au studio Topcraft
(NDT : studio qui produisit le film à l’époque et dont une partie de l’équipe rejoindra Hayao Miyazaki et Isao Takahata lors de la création du studio Ghibli) allait du 1er novembre jusqu’à début février (NDT : années non précisées dans notre source mais vraisemblablement 1983-84).
J’étais un des collaborateurs assignés aux
genga (images clés) qui restèrent jusqu’au dernier moment, tard sur la production. Quand je suis entré au studio, l’état d’urgence avait déjà été décrété. Miyazaki travaillait de 10 h jusqu’à 1 h du matin à sa table à dessin. Ca m’a impressionné. Cela dit, nous étions vraiment occupé et tout le monde ressemblait à des jouets qui travaillent.

Les scènes dont je m’occupais étaient celles dans lesquelles les Ômu chargent vers la Vallée, à la fin du film, et celles du Dieu-guerrier. Sur ces dernières, si nous avions attendu d’avoir fini les dessins et les demandes de retake de Miyazaki, le planning aurait été décalé d’une semaine. Nous avions donc décidé de dessiner petit à petit, puis de lui montrer et de corriger tout en discutant. Le Dieu-guerrier que l’on voit dans le film n’a pas cette forme de fossile comme dans le manga original. Miyazaki lui-même avait des difficultés pour définir son image.

A cette époque, je vivais à Topcraft. Le matin, à mon réveil, je trouvais sur mon bureau une feuille avec les indications du jour de Miyazaki. Et parfois, c’était des reproches concernant ce que j’avais dessiné la veille.
Au début de notre rencontre, je respectais les formules de politesse d’usage. Mais plus la fin de la production approchait, plus je les oubliais dans la conversation.
Je ne sais pas ce que Miyazaki pensait, mais à mon avis, notre travail était satisfaisant.
Travailler avec Hayao Miyazaki m'a beaucoup influencé. Pas seulement techniquement parlant, mais dans sa façon de voir les choses, sa façon de penser et ses certitudes. De nos jours, les gens ont plutôt tendance à ne pas dire directement les choses qu’ils aiment et ressentent. Mais Miyazaki est quelqu’un qui arrive à faire ça. »