Mis à jour : lundi 5 septembre 2022

Panda, petit panda : Analyse

L’ambition de Panda, petit panda semble moindre par rapport à Horus, prince du soleil, précédent opus du duo Takahata-Miyazaki au sein de la Tôei Dôga. En effet, le scénario de Panda, petit panda est pour le moins ténu et est clairement destiné à un très jeune public, là où Horus se voulait l’un des premiers films d’animation pour adultes mettant en scène des sentiments complexes. Cependant, il convient de resituer ces deux moyens métrages dans l’histoire plus générale de l’animation, mais aussi dans la carrière des deux piliers du studio Ghibli que sont Isao Takahata et Hayao Miyazaki, et de se pencher sur la magie qui y opère.

La genèse de Ghibli

On ne peut que constater à quel point Panda, petit panda est l'un des points de départ de la carrière des deux réalisateurs, par les nombreux rappels que le spectateur retrouvera ensuite dans la filmographie de Isao Takahata et de Hayao Miyazaki.

Ce dernier a visiblement beaucoup puisé dans Panda, petit panda pour nourrir ces films suivants qu’il s’agisse de motifs graphiques comme des choix de mise en scène. Dès le générique de début, la ressemblance avec Mon voisin Totoro est flagrante. Mêmes personnages se métamorphosant, même type de comptine enfantine entêtante, la comparaison semble évidente.

Miyazaki déclare d'ailleurs : « En passant, vous remarquerez que Papa panda à un très grand cœur, c’est un personnage au caractère facile à vivre. Il rend les gens heureux tout autour de lui juste par sa présence, sans rien faire en particulier. À cet égard Totoro et Papa panda sont semblables pour moi. Je pense que les films que les enfants ressentent sont parfaitement amusants et peuvent rendre les gens de tous âges heureux. »

Les similitudes ne s’arrêtent pas là. D’autres gimmicks figureront dans le chef-d'œuvre de Miyazaki. Ainsi, lorsque Pandy saute sur le gros ventre de son papa, suivi de la petite Mimiko, on songe immédiatement au chibi-Totoro et Mei s’agrippant à Totoro. Quand Pandy suit très peu discrètement la petite fille et s’invite à l’école, on songe à deux scènes : celle où Mei suit Satsuki malgré les interdictions de cette dernière, lorsqu'elles apprennent l'aggravation de l'état de santé de leur maman, et évidemment, la scène où la petite sœur s’incruste littéralement à l’école de son aînée.

Beaucoup de scènes évoquent d’autres œuvres de Miyazaki. La plus flagrante est évidemment la scène du déluge de Ponyo sur la falaise, que l’on retrouve quasi à l'identique dans Panda, petit panda. Ainsi la séquence débute sur un repas, lors duquel un orage violent se déchaîne. Puis le lendemain, la pluie cesse et le monde de Mimiko est envahi par les eaux. Les trois comparses partent ensuite en barque à la recherche du cirque. On ne peut que être frappé par la ressemblance avec Ponyo, que ce soit sur le thème, la narration ou même la mise en scène.

On retrouve d’autres allusions à Panda, petit panda dans la filmographie de Miyazaki. Ainsi la scène finale du premier moyen métrage évoque irrésistiblement le gang des Mamma Aiuto de Porco Rosso ou la police de Sherlock Holmes. Le faciès d’un des employés du cirque fait furieusement penser au personnage de Lupin III, série à laquelle collaborera également Yasuo Ôtsuka, créateur des personnages et superviseur de l'animation des deux moyens métrages. Le policier est d'ailleurs doublé par Yasuo Yamada, la voix officielle de Lupin sur toutes les séries et presque tous les films de Rupan Sansei / Lupin III, jusqu’à sa disparition en 1995, et notamment sur Le château de Cagliostro. En tendant bien l’oreille, on reconnaît d’ailleurs facilement le ricanement caractéristique de l’arrière-petit-fils d’Arsène Lupin. Il double également le bras droit du directeur du cirque dans le second épisode. Le choix de cet acteur montre peut-être à quel point le personnage était encore présent dans l’esprit de Isao Takahata et Hayao Miyazaki lors de la production de Panda, petit panda.

Les références sont donc nombreuses et en faire le référencement complet serait aussi rébarbatif que répétitif. On l’a bien compris, Panda, petit panda vaut un visionnage ne serait-ce que pour y découvrir là où Miyazaki puise une partie de son imagerie et de son inspiration.

Cependant, on ne doit pas oublier que Panda, petit panda est avant tout une réalisation de Takahata. Certes, on retrouve moins ensuite dans sa filmographie des gimmicks de Panda, petit panda. Peut-être parce que Takahata ne dessine pas et s’attache à explorer à chaque film de nouveaux horizons artistiques. Cependant, on retrouve une manière de raconter l’histoire et de représenter les personnages qui nous rappelle à quel point Takahata aime raconter ces scènes de la vie quotidienne. La petite Mimiko, par son côté volontaire et raisonnable, laissée seule à gérer la maison, n’évoque-t-elle pas Kié, la petite peste ? Malgré le format court, l’absence d’intrigue complexe, on sent dans ces deux films une véritable volonté de « croquer » la vie quotidienne d’une petite fille mais aussi de tout un quartier. On ressent véritablement l’ambiance joyeuse de la petite ville de Mimiko.

De même, on ne peut que saluer le bond formidable de la technique d’animation. Certes, le film peut sembler dater à l’aune des récentes productions du studio. Mais ces deux moyens métrages ont été réalisés seulement 4 ans après Horus, prince du soleil et présente une réelle volonté de produire une animation de qualité, ce qui a abouti très logiquement à un très gros succès au Japon.

La magie du quotidien

L'action de Panda, petit panda se déroule dans une petite ville du Japon des années 60. Mais comme le précise Hayao Miyazaki, il s'agit d'un Japon rêvé, idéalisé, sans grand rapport avec la réalité de l'époque :

« Tout le Japon était beaucoup plus pauvre que maintenant ; les adultes et enfants vivaient accablés de difficultés et d’épreuves différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. [...] Le monde dépeint dans Panda, petit panda n’est pas un produit de nostalgie pour ceux d’entre nous qui ont travaillé dessus. Le projet est un effort pour représenter, au moins dans le cadre d’un un film d’animation, le Japon tel qu’il aurait pu devenir, un paysage montrant des rues qui aurait dû être, un décor qui même maintenant a le potentiel d’apparaître tel que nous l’avons dépeint. Cette vision du Japon demeure un véritable défi auquel nous sommes confrontés encore aujourd’hui. »

Ainsi, le petit monde de Mimiko ne connaît pas la violence, ni même la délinquance, au point que la naïve Mimiko se réjouit de pouvoir un jour rencontrer de vrais voleurs. Chacun veille avec bienveillance sur son prochain, dans un cadre de vie idyllique. Les habitués du studio Ghibli ne s'étonneront évidemment pas de l'absence de méchants dans les deux films.

Pourtant, la facilité aurait pu être de figurer le directeur du zoo ou celui du cirque comme de vils exploiteurs ou des tortionnaires cruels et sadiques. Mais là encore, il ne s'agit au pire que de personnages un peu lunaires et tête-en-l'air, soucieux du bien-être de leur bêtes.

Dans ce monde déjà extraordinaire par sa perfection, il n'est donc pas étonnant qu'un panda parle, pêche à la ligne ou devienne le papa adoptif d'une petite humaine. Une fois passée la réaction d'étonnement ou de stupeur, tout le monde semble accepter ce lien de parenté. De même, les habitants sont ennuyés du déluge qui a noyé le village, mais finalement, ils ne s'étonnent pas de l'ampleur du phénomène et ne s'alarment pas outre mesure. Ce procédé sera utilisé de nombreuses fois ensuite par Miyazaki, notamment dans Mon voisin Totoro et Ponyo sur la falaise. On sait cependant que Isao Takahata s'est peu à peu éloigné de ce type de représentation, rejetant cette utilisation du fantastique.

L'univers du conte n'est pas bien loin, un hommage très clair lui est même rendu dans le deuxième épisode. Ainsi, lorsque Pandy observe les signes de la présence de Tigry, on songe immédiatement à Boucles d'or et les trois ours, lorsque le plus jeune découvre sa soupe mangée, sa chaise cassée et son lit occupé.

La magie de ce film est loin de l'imagerie disneyenne de l'époque (Alice au pays des merveilles, Merlin l'enchanteur, Mary Poppins...) qui déploient la magie et les faits extraordinaires. Ici, le merveilleux s'installe petit à petit, sans étonnement, sans émerveillement outrancier. Papa panda va travailler, Pandy rêve d'aller à l'école, tous se réunissent pour manger un bon repas le soir autour de la table. Le quotidien est magnifié, idéalisé et permet de manière simple aux enfants de s'évader, de rêver d'un monde proche du nôtre mais les émerveillent.

 

Panda, petit panda devrait donc combler les enfants mais aussi les fans du studio Ghibli, qui découvriront avec plaisir la véritable genèse des œuvres de Hayao Miyazaki et de Isao Takahata. Tout au long de ces deux moyens métrages légers et plaisants, on se plonge également avec plaisir dans les aventures de Mimiko, Papa panda et Pandy, qui ont certes vieilli techniquement, mais qui possèdent toujours cette capacité à nous faire revivre notre enfance...