Samedi 24 janvier 2004

BIP – BIP – BIP – BIP – BIP – BIP – BIP...
Ah, la vache!!! C'est à coup sûr ce réveil-ci qui est le plus difficile. Le festival, ses auteurs, ses expos et les dédicaces, à 7h30 du matin, je dois avouer que je m'en tamponne un peu. Tout ce que je désire à ce moment-là, c'est retrouver mon pote Morphée pour lui parler de la pluie et du beau temps. Et puis surtout ces jambes lourdes là ! Qui donc me les a greffées ?! Argh, et Guilhem qui est toujours aussi vaillant...
- Gnein ? Mui mui, va t'doucher l'premier marmotte...
Fioooouuuuu. Pas facile la vie de festivalier. En outre, aujourd'hui est le jour le plus pénible d'Angoulême. En effet, c'est là qu'il y a le plus de monde et il est impossible de circuler dans les bulles. Qu'à cela ne tienne, on en profitera pour aller dans les autres chapiteaux où l'on ne s'est pas encore rendu. Et puis demain, ce sera les expositions. Ouais, chouette programme... Vraiment chouette... Mais pour l'heure, JE VEUX DORMIR !!!

Makyo, tout simplement un grand

Je parlais hier de la bd qui m'a fait le plus rire (cf. Vandermeulen) mais aujourd'hui, dans la voiture qui m'emmène au festival, c'est à la première qui m'a faite pleurer que je suis en train de penser. J'avais 17 ans et faisais un stage à la bibliothèque du Jardin public de Bordeaux. Leur fonds bd assez ancien me permettait de découvrir nombre de classiques et c'est dans ce contexte que j'ai découvert Grimion gant de cuir de Pierre Makyo. Une chronique campagnarde narrant les aventures d'un jeune garçon nommé Grimion et de son amour de jeunesse Tiennette. Une pincée de fantastique, beaucoup de mélancolie et des couleurs automnales... J'avais été littéralement captivé et ému. Et si je pense à ça aujourd'hui, c'est que pour la seconde année consécutive, Guilhem et moi avons décidé d'aller embêter Makyo ensemble.
Lorsque nous arrivons sur la bulle sud, nous sommes surpris de voir que les vigiles refusent l'entrée aux professionnels. Ils rentreront en même temps que tout le monde ! Personnellement, ça me fait plaisir car cela permettra peut-être d'éviter à « la congrégation des blaireaux » de squatter les files d'attente avec leurs sacs (cf. Angoulême jeudi).
- Dis marmotte, fais moi penser à appeler David et Aurélie pour qu'on se fixe un rencard !
Les deux larrons sus nommés sont des amis parisiens, grands amateurs du 9ème art devant l'éternel et accessoirement de passage à Angoulême. Je les ai connu par le biais de la mailing-list Donjon et je trouverais sympa que l'on passe un bout de festival ensemble.
- Doucement, doucement...
Pauvres vigiles, quand les bulles sont ouvertes, c'est chaque fois la même chose : une marée humaine qui traîne nous entraîne... Je commence vraiment à connaître le refrain par cœur.

Et nous voici dans la queue sur le stand Glénat, portés par un enthousiasme béat. Je compte me faire dédicacer l'intégrale du second cycle de La balade au bout du monde, et si Makyo n'en est que le scénariste, je ne doute pas une minute qu'il y fera quand même un joli dessin.
- Bonjour à vous deux ! Mais je vous connais non ?!
- Oui, oui. Il y a juste un an, on était venu deux fois vous embêter et parler un long moment avec vous.
Il se souvient de nos têtes et ça c'est toujours agréable comme impression. Le sentiment qu'il y a bien eu une rencontre humaine et non pas une simple entrevue-dédicace... Enfin quoi qu'il en soit, je me sens bien décider à l'engueuler car le volume 13 de La balade au bout du monde est un vrai ratage niveau couleur et surtout, j'attends encore le tome 2 de Graine de paradis ! Nondidju !
- Alors, la couleur c'est un vrai mystère... C'est le même coloriste que pour les autres volumes de la série, et on ne parvient toujours pas à comprendre pourquoi le dessin de Laval, qui est une merveille en noir et blanc, est si dénaturé lors de la mise en couleurs ! Quant à Graine de Paradis qui sera mon dernier album dessiné...
- Dernier ? Vous allez arrêter le dessin ?
- Oui, après je me consacrerai aux scénarios. L'écriture est un plaisir tandis que le dessin a toujours été une souffrance. Ainsi, le tome 2, qui sera mon dernier album en tant que dessinateur, sortira dans l'année, en même temps qu'un roman et qu'une ressortie du premier. Mais rien n'est encore sûr.
Beaucoup de nouvelles à assimiler d'un seul coup là... Déception aussi de savoir qu'il arrête le dessin... Mais on parle, on parle et je ne lui ai toujours pas demandé de totoro. Connaît-il ?
- Tiens, je ne connais pas non. Qu'est-ce que c'est ?
Un dessin animé qu'il faut absolument voir. La marmotte acquiesce. Il sourit.
- Ok, je vais te faire ça. Je le dessine comme je veux ?
- Oui oui, c'est le but.
Si on m'avait dis que Pierre Makyo, qui est à mes yeux un monument de la bande dessinée, me dessinerait un jour un totoro, j'aurais cru à une bonne blague. Et pourtant...
Guilhem et moi lui posons des tas de questions sur son travail, ses projets, et même sur la santé de Laurent Vicomte, qui n'a pas sorti d'album depuis les années 90 avec Sasmira. Bref, on ne voit pas le temps passer et tout comme l'année précédente, au moment de partir, on s'aperçoit que la queue est pleine de gens qui attendent, et qui tueraient bien ces petits cons qui sont si longs pour une dédicace...
- Alors à l'année prochaine messieurs !
La marmotte et moi, on se promet que oui, dans un an, on reviendra le voir.

Arthis qui s'est fait un compagnon lors de sa balade au bout du monde.

Frezzato, toro ?

Il semblerait que je ne sois pas tout à fait en accord avec moi-même. En effet, tandis que le matin j'étais décidé à ne pas squatter les bulles sud et nord pour mieux profiter du reste du festival, maintenant que j'y suis, j'ai encore envie de voir des auteurs. C'est vrai que c'est plein de monde, qu'on peut à peine circuler mais allez, encore deux pour la route et après on s'en va. Guilhem est d'accord et il part direction les éditions Petit à petit pour se faire dédicacer Inspecteur Kate de Efix. J'ai donc champs libre pour rencontrer l'auteur des Gardiens du Maser aux éditions USA, j'ai nommé il signor Frezzato !
Je dois avouer avoir toujours apprécié cette bande dessinée sans en saisir cependant toutes les subtilités. Un scénario foisonnant et parfois obscur qui m'aurait laissé trop souvent en bord de route... Quant au dessin, il m'a toujours donné l'impression suivante :
Un sublime long métrage d'animation, à la beauté graphique digne d'un Nausicäa ou d'un Laputa, sur lequel on aurait fait des arrêts sur images, obtenant ainsi le découpage en cases pour en faire une bande dessinée. Un simple copié-collé d'un dessin animé magnifique auquel on ajoute les phylactères... Mais non ! Il y a vraiment un type qui est capable de faire ces dessins et il est en face de moi. Et quand je prononce le nom de « Miyazaki », ses yeux s'illuminent.
- Je connais bien sûr Totoro et j'apprécie beaucoup Nausicäa de la Vallée du Vent me dit-il avec un chaleureux accent italien. Miyazaki est un grand artiste.
Hé bien voilà qui ne me surprend qu'à moitié. Je ne peux qu'inviter les gens à lire un album des gardiens, pour se rendre compte qu'il y est beaucoup question de nuages, d'engins volants et de courses poursuites délirantes sur fonds de cité légendaire. Bref, un courant d'influence qui peut être aisément perçu.
En tous les cas, monsieur Frezzato exécute directement le dessin au feutre noir, sans crayonner au préalable. Au passage, je remarque une chose insolite, c'est qu'il dessine debout. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup ! Ca veut dire qu'il était libre, heureux d'être là malgré tout !...
Et le résultat me plaît pour une raison simple, c'est que la mise en scène est faite avec un cadrage très original. En effet, 90% du temps, les auteurs me dessinent Totoro de face et là...
Voici :

C'est quoi cette grosse bête ?

Au moment de partir, monsieur Frezzato me remercie. Exactement comme hier avec Munuera ! Ainsi, je finis par me demander s'il ne s'agit pas là d'une espèce de tradition méditerranéenne...

Di felice, parla italiano ?

Juste à côté, il y a une jeune femme qui signe son premier album : Siléa, toujours aux éditions USA. Bien que je n'aie jamais lu cette bd, les dessins me séduisent et je décide donc de me l'offrir. Mon portefeuille a beau être en désaccord, jusqu'à preuve du contraire c'est moi qui travaille pour le nourrir et non l'inverse, alors hein...
Après les salutations d'usage, je demande à la jeune femme si elle connaît Totoro et elle me répond un truc qui doit ressembler un peu à ça :
- Mi dispiacce ma non so parlare francese. Non capisco quello che me chiedi (je regrette mais je ne sais pas parler français. Je ne comprends pas ce que tu me demandes).
C'est rigolo, parce que depuis ma rencontre avec Alessandro Barbucci, j'essaie de ne plus faire de gaffe lorsque je rencontre un auteur étranger et de toujours me renseigner savoir s'il parle français ou non. Et là, alors que je tchatche confiant sans me poser de question, je ne me dis pas deux secondes que « Cinzia Di Felice » ça sonne quand même pas mal italien...
Bref, en baragouinant j'arrive à lui demander si elle peut me dessiner un totoro et elle me répond que c'est à Miyazaki qu'il faut que je demande, pas à elle. Elle, c'est la dessinatrice de Siléa, pas de Mon voisin Totoro ! Bon, ok, c'est pas gagné.
Je parviens non sans mal à bredouiller que je ne voulais pas l'ennuyer, mais « c'est juste que je demande ça aux auteurs que je rencontre, voilà tout ». Gentiment, elle accepte finalement de jouer le jeu et me fait la confidence qu'elle-même est une grande fan du studio Ghibli. On ne se raconte pas non plus nos vies, hein. Bin oui, il ne faut pas oublier que mon niveau en italien est aussi bon qu'un cycliste qui tournerait au jus d'orange. Pas exceptionnel quoi.
Une fois le dessin terminé, elle me demande si je rêve de rencontrer Miyazaki. Ma réponse est oui et j'ajoute même que cela me rage car je l'avais raté de peu au forum des images à Paris. Evidemment, j'aimerais énormément rencontrer cet homme. Je me demande juste si j'arriverais à lui dire quoi que ce soit... Par contre, je lui explique que j'ai déjà vu deux fois monsieur Takahata et là elle sourit et m'avoue apprécier grandement le travail de cet homme.
Puis, je la salue et je vous le donne en mille : elle me remercie!! Toujours cette « tradition »?...

Pauvres Mei et Satsuki, on leur a volé leur place sur la branche d'arbre...

Hé bien voilà pour la matinée. Désormais, nous n'avons plus qu'à aller manger avant d'entamer la visite du reste du festival. Par ailleurs, la marmotte et moi décidons qu'aujourd'hui c'est Byzance et finissons dans un restaurant chic, où notre complet jean-tee-shirt jurera avec la tenue vestimentaire des autres clients.
Puis, sur les coups de 14h00, c'est parti pour la visite des autres bulles d'Angoulême. J'éviterai de m'épancher dans la description de ce périple dans la mesure où il ne nous arrive pas grand-chose, exceptée la rencontre avec Régis Loisel.
Arrivés dans l'espace fanzine et boutique, nous passons devant le stand Granit et là, quelle stupeur de voir Loisel en train de faire des signatures. Il a l'air sombre et exécute les signatures de l'affiche du festival à la cadence d'un robot. Je me tâte : est-ce le moment idéal pour l'embêter à lui demander un dessin ? Sans être Freud, il est aisé de deviner sa réaction si un petit con l'embête pour lui demander un crobar. Alors un totoro qui plus est...
Je me hasarde à engager la conversation avec une fille du stand.
- Euh, vous pensez que monsieur Loisel accepterait de me faire un petit gribouillis sur mon album ?
- Je vous en prie, ayez pitié de lui, ce n'est pas une machine à dédicace. Déjà, là ce n'est pas facile avec toutes ces affiches qu'il doit signer...
- Oui, oui je comprends, je tentais juste ma chance. J'imagine qu'il doit être sans arrêt sollicité et que ça ne doit pas être facile.
- Hum... Bon, donne le moi ton album, je vais au moins essayer d'obtenir une signature.
C'est là que se pose un petit problème : l'album de Peter Pan avec lequel je me balade est déjà signé. En effet, il s'agit de l'un des rares tirages de tête que je possède, et comme tout spécimen, il est déjà signé par l'auteur. Damned ! La fille s'en aperçoit et s'esclaffe.
- C'est gentil mademoiselle mais tant pis alors.
Je me décide cependant avant de partir, à acheter le catalogue de l'exposition puis reprends la route avec la marmotte. Mais au moment de nous enfoncer dans la foule, j'aperçois Blaise Loisel sur le stand. Il y a tout juste un an, il s'était montré d'une gentillesse et d'une générosité rare. En effet, sans savoir qu'il s'agissait du fils de, nous avions eu une grande conversation sur Peter Pan, et après m'être porté acquéreur du fameux tirage de tête, il m'avait offert des tonnes de somptueux ex-libris. Pas seulement commerçant, j'avais senti à travers cet épisode, un type vraiment bien. Du coup, j'éprouve encore plus l'envie de le féliciter pour l'exposition sur l'oeuvre de son père.
- Bonjour, ben je voulais juste vous remercier.
- Me remercier ? Pour quelle raison ?
- Pour l'exposition. C'était fabuleux ! Quand on est comme moi amoureux du travail de votre père c'est un vrai bonheur de pouvoir découvrir tous ces travaux méconnus. Pénétrer dans son intimité d'artiste. Merci beaucoup.
Là, je vois que Blaise Loisel n'est pas le seul à m'écouter. Son papa a la tête tournée dans ma direction et s'est arrêté de signer.
- Vous êtes la première personne à me remercier pour l'expo.
- Ah... Bin, en tous cas c'est sincère.
Sourires échangés et je m'en vais le cœur léger.
Aujourd'hui, je me dis que je ne verrai jamais Régis Loisel en dédicace, mais ça n'a plus aucune importance. Ce samedi-là à Angoulême, je pense avoir réussi à le remercier de ce que son travail m'apporte depuis si longtemps. Maladroitement certes, indirectement certes, mais...

Labourot, mais où est Charlie ?

Mister Labourot au sourire ravageur ou... ravagé, je ne sais pas bien...

Nous voici arrivés en fin d'après-midi, de retour dans la bulle sud après avoir fureté un peu partout dans Angoulême. Je me dirige vers le stand Delcourt pour rencontrer Thomas Labourot afin qu'il me signe le tome 4 de Troll. Outre le fait que je sois lecteur de la série depuis le premier tome, du temps où elle était dessinée par Boiscommun et coscénarisée par Sfar, c'est parce que son nouveau dessinateur multiplie les références à Ghibli que je souhaite le connaître. En effet, durant tout l'album, le lecteur observateur pourra s'amuser à relever les nombreux clins d'œil faits à Miyazaki disséminés dans les cases.
La marmotte me laisse dans la queue, et en cette fin de festival plus que jamais, je dois bien dire que l'attente est pénible physiquement. Debout, je passe d'une jambe à l'autre, usant de tous les subterfuges pour m'occuper l'esprit, engageant la conversation avec mes voisins qui visiblement ont hâte eux aussi que ce soit leur tour. Bref, je fais mon petit Koh Lanta festivalier, en attendant 30 minutes par dédicace (mais ceci n'est pas une critique hein, je trouve au contraire que c'est plus humain comme rencontre).
Heureusement, tandis qu'il ne reste plus que deux personnes devant moi, j'engage la conversation avec l'auteur et lui fait part de ma demande imminente de dédicace un peu spéciale, et il me rétorque ceci :
- Oulalala, mais c'est que moi je te fais un totoro seulement si tu retrouves ceux qui sont dans les pages de l'album.
- ...
Ne sachant pas si c'est du lard ou du cochon, je m'exécute patiemment dans cette épreuve, nouvelle formule du « Où est Charlie ». Suis-je bien sûr d'avoir repéré toutes les références cachées ?

Page 32, 2ème case : les trois totoros sur la gauche, le Sans-visage à droite

Page 37, 8ème case : un totoro de dos ?

Page 39, dernière case : Totoro et le Sans-visage
(au passage, on remarque aussi l'ogre Tartine de Merlin,
Hébus le troll de Lanfeust de Troy, et le Rige de Loisel)

Page 47 : Oh !! Des Kodamas dans les arbres !

Ayé ! J'ai bien travaillé moi ! Il ne me reste maintenant plus qu'à attendre patiemment mon tour. Le temps de découvrir dans la file d'à côté, un olibrius tel que je les aime :
Un homme muni de son petit portfolio, explique à l'auteur qui est en face de lui qu'il demande toujours une dédicace du personnage de la bd, sur un monocycle. Evidemment, ça me fait mourir de rire et me conforte dans l'idée que je ne suis pas le seul débile léger qui traîne dans le festival...
- Voilà, j'ai tout trouvé m'sieur !
Ainsi, l'une après l'autre j'indique à Thomas Labourot les références que j'ai relevées. Pourtant, il en manque une. Hein ? Quoi ? Comment ? Est-ce possible ?
- Si, si, il t'en manque une. Allez, c'est pas grave, je te le fais avec plaisir ton dessin. En plus, vous n'êtes plus que deux alors je vais prendre mon temps pour faire un joli truc.
- Ok, c'est gentil, pendant ce temps moi je vais chercher celui qui me manque.
Et là, je taxe l'album du gars juste derrière moi pour trouver la dernière bestiole égarée. Et cherche et cherche et cherche... Et trouve pas et trouve pas et trouve pas...
Tout cela ne nous empêchant nullement de parler, nous en venons à évoquer l'accueil de ce premier album par la critique et le public.
- J'ai reçu beaucoup de critiques du fait que mon style graphique tranchait vraiment avec celui de Boiscommun. En même temps, ça tombe bien parce que justement, je ne suis pas Olivier Boiscommun... Et sinon, avec Jean-David, on est plutôt content. Ca s'est assez bien vendu.
- En tous les cas, pour un premier album c'est balaise.
- Je ne sais pas si c'est « balaise » mais ce qui est sûr, c'est que je me suis vraiment investi dedans. Bon, et tu le trouves ce dernier totoro ?
Arf, j'ai beau fouiller les pages, je suis comme sœur Anne, je ne vois rien venir. Point de joueur d'ocarina en vue...
- A ce propos, ce n'est même pas la peine de te demander si tu es un fan de Miyazaki.
- Hé hé, non c'est sûr. J'adore ce que fait cet homme, et ça me détend lorsque je travaille de gribouiller dans un coin de case un de ses personnages.
Nous évoquons alors le hors série Bodoï, qui consacrait une double page aux clins d'œil à Totoro dans la bd occidentale. Le troisième dessin ci haut de sir Labourot y était référencé.
- Ouais, j'ai vu ça, mais j'ai aussi vu qu'ils ont fait une coquille en mettant Boiscommun en auteur.
L'air de rien, le dessin avance, avance et c'est une petite merveille qui prend forme. Quant à moi, je finis par donner ma langue au chatbus. Impossible de trouver le dernier totoro. Du coup, Thomas me prend en pitié et me le montre :

Page 37, 6ème case : le voici !!!

Mais quel gros nul je suis : comment passer à côté en ayant regardé cette page une bonne dizaine de fois ?
- Tiens ton dessin, j'ai fini !
Le sourire aux lèvres je le regarde et m'aperçoit que je suis sa 441ème dédicace depuis la sortie de l'album. En quelques mois, c'est énorme...
Je remercie mille fois le gentil monsieur et lui souhaite une bonne fin de festival.

Toutes les images sont © Delcourt / Morvan, Labourot, Lerolle et les personnages de Totoro, du Sans-visage et des Kodamas sont © Ghibli mais ça tout le monde le sait, alors ça sert à quoi que je perde mon temps à l'écrire ? Ne ferais-je pas mieux de laisser mon pc respirer pour m'enivrer du chant d'amour des abeilles butineuses et aguicheuses. Quelles coquines ces abeilles ! Et à ce propos, vous ai-je déjà raconté comment je fis la connaissance de l'un de leur reine ? C'était par un bel après-midi de printemps où je ne savais plus qui, je ne savais plus quoi, j'étais perdu, j'étais perdoi...

Entré directement dans le top 3 de mes dédicaces préférées !
C'est la 2ème fois qu'on me dessine les trois Totoros en même temps.

Marco, les pirates, et moi

Guilhem vient à ma rencontre car David et Aurélie, mes copains de la ml Donjon ont laissé un message sur son répondeur. Je les rappelle donc et nous décidons de nous retrouver dans la bulle nord, vers le stand de l'Association. En effet, puisque ce soir c'est la nocturne, nous pouvons traîner nos guêtres plus longtemps pour continuer à importuner les auteurs.
Avant, j'ai quand même le temps de rencontrer Jean-Louis Marco. En effet, disposant d'un mauvais timing depuis le début du festival, je me suis toujours débrouillé pour le rater. Ainsi, direction le stand du Cycliste/Petit à petit pour enfin rencontrer l'auteur de l'hilarant Rosco le rouge. J'avais offert l'album dédicacé à la marmotte lors du salon du livre de Paris 2003, et c'est donc la seconde fois que je rencontre ce très sympathique garçon. Rapidement, il me demande d'ailleurs si c'est notre première rencontre, car ma tête lui dit quelque chose. Je lui explique que j'ai tellement rigolé en lisant sa bd achetée pour mon pote que je veux maintenant l'avoir pour moi. L'occasion de lui demander un totoro du coup, et ça tombe très bien car il connaît et semble apprécier ce dessin animé.
Tandis qu'il entame le dessin, Nicolas Poupon qui passe derrière, nous salue en souriant et s'en va dessiner des poissons à des gens qui patientent.
- Alors, le tome 2 est prévu pour bientôt ? demande Guilhem à Marco.
- J'y travaille, j'y travaille. On va justement pas tarder à sortir une version noir et blanc dans les mois qui viennent. Pour la couleur il faudra un peu plus patienter.
- Et vous, vous faites quoi dans la vie ?
- Je travaille au C.D.D.P. de Pau répond la marmotte.
- Je suis bibliothécaire jeunesse et depuis peu rédacteur dans la Revue des Livres pour Enfants, rubrique bd répond le blaireau.
Et c'est ainsi le début d'une discussion sur un peu de tout et beaucoup de rien.
Jean-Louis, il s'appelle Jean-Louis, on est fous de lui, c'est un garçon pas comme les autres, on aime ce qu'il fait c'est pas notre faute... et on s'est raconté nos vies, on a ri, on a pleuré, mais Jean-Louis, il s'appelle Jean-Louis, on est fous de lui...
Euh pardon, toujours cette (star)manie de glisser des paroles de chansons ringardes dans ce que j'écris. Je disais donc que nous entamons une petite discussion sympa, où nous en venons entre autres à dévoiler nos derniers coups de cœur bd. C'est peut-être en entendant les miens (Mon cousin dans la mort, Elle, Le combat ordinaire, L'année du dragon...) qu'il décidera de rajouter sur le dessin terminé : « Merci pour ton bon goût ». Enfin peut-être hein. Ou alors c'est pour ma façon de m'habiller ? Ma façon de rire de profil en me roulant une cigarette ? Ma manière classe de péter discrètement en laissant planer le doute sur le responsable ? En fait, je ne sais pas...

On se demande qui du pingouin ou de son comparse a la regard le plus inexpressif

Sfar...

Nous voici à proximité du stand de l'Association et :
Ouais youpi, on est content de se voir, « salut, ça va, tu vas bien ? Aurélie et David, voici Guilhem. Hein ? Qui ça ? Salut, enchanté Gaïs, moi c'est Loïc ». ? Voilà en gros à quoi doit ressembler mes retrouvailles cœur de canardiennes ainsi que les présentations mutuelles de nos comparses.
Aurélie vient de refuser que David B. lui fasse un dessin car elle n'a pas encore lu l'album qu'elle avait dans les mains. Elle considère qu'il vaut mieux qu'elle connaisse la bd qu'elle va faire signer par l'auteur, c'est une question de principe (oui oui, cette fille est l'anti-arpenteur de festival porteur de valise que je décris depuis le début de ce compte-rendu d'Angoulême). En vrac, derrière le stand s'agitent Lewis Trondheim, Joann Sfar, J-C Menu, David B. et d'autres que je ne connais pas physiquement.
Mon but à moi, c'est muni du dernier Donjon paru, obtenir un totoro de Sfar. Ca peut paraître simple à priori compte tenu de mes hauts-faits passés, mais me voilà rempli d'angoisse.
- Aurélie, je crois que je ne vais jamais oser. Il va encore me ridiculiser comme un vieux sac à patate qui pue la patate.
Je dis « encore », car au festival Delcourt de septembre 2003, je m'étais réellement senti humilié par le papa du Chat du rabbin. Loin de moi l'envie de reparler de cette histoire, mais pour situer : une bête question posée innocemment à Christophe Blain avait amené Sfar à me railler avec férocité, en y prenant visiblement un certain plaisir d'amuseur de galerie. Il avait ensuite fait quelques gribouillis infâmes en guise de dédicace sur mon bel album décoré par Trondheim et Blutch. Alors forcément, en attendant dans la file là, je n'en mène pas large et imagine déjà la situation.
- Bonjour, voilà, j'ai une demande un peu spéciale à vous faire. Pourriez vous me dessiner un ti Totoro avec Herbert ?...
- Mais bien sûr, et je peux te faire un Goldorak qui fout une Astérohache dans le cul d'un mousquetaire aussi si tu veux. Ca te dit ça ?
Bon, peut-être que j'en rajoute un tout petit peu, mais en patientant dans la file, je ne suis pas sûr que la fiction ne dépasse pas la réalité.
- Allez, donne le moi ton Donjon, me dit Aurélie. Je m'en fiche moi de lui demander ça. Je peux te rendre service.
D'un côté je me dis que c'est à moi de dépasser mes appréhensions et de lui faire ma demande, et de l'autre, il y a cette fille en vert avec ses lunettes violettes qui m'apparaît soudain comme un ange tombé du ciel. Et si je la laissais aller au charbon ? En même temps, je me dis que c'est vraiment pas courageux de ma part.
- D'accord Aurélie, si ça ne t'ennuie pas, je veux bien que tu y ailles pour moi.
Moi et le courage...
- Non, non, non !!! Je ne dédicace que les albums de Bréal et de l'Association ! Les autres vous pouvez partir, ça ne sert à rien !
Ok, bin nous voilà prévenus. Mon Donjon étant évidemment édité chez Delcourt, voici une belle occasion manquée. Et tandis que je me dégage de la file d'attente, je tombe sur « L'atroce Abécédaire » paru aux éditions Bréal. Lors du salon jeunesse de Montreuil, j'avais découvert cet album qui m'avait bien fait rire. Joann Sfar ou comment apprendre l'alphabet à ses mouflets avec des associations d'idées incongrues. Certes, j'ai pas de gosse mais j'ai très envie d'un totoro du monsieur, alors...
Et me revoici dans la queue, psalmodiant une litanie dans ma petite tête :
- Bonjour, est-ce que vous pourriez me faire un totoro, bonjour est-ce que vous pourriez me faire un totoro, bonjour est-ce que vous...
Je sens que le courage ne me fera pas défaut. Après tout, pourquoi aurais-je peur d'un dessinateur de bande dessinée ? Pfff, j'ai aucune raison d'angoisser. Il veut, tant mieux, sinon... Et c'est mon tour :
- Bonjour, est-ce que...
- Comment tu t'appelles ?
- Euh.. Loïc
- Ouais et je te disais donc que blablablablabla...
Sans que j'ai eu le temps de finir ma phrase, plus prompt qu'un vif d'or, Sfar s'est lancé dans un dessin à partir de mon prénom. De plus, comme il ne cesse de parler à Menu, je ne peux pas les interrompre et suis donc condamné à regarder le crobar prendre forme. Trente secondes plus tard, il me tend mon album et me dit au revoir.
Dépité le Loïc... Je vous laisse quand même admirer le chef-d'œuvre que lui inspire mon nom.

Ouuuuuuuuuais, un Loïc les couilles à l'air ! Youpi !!

Fiasco sur toute la ligne ! Le totoro Sfarien n'est encore pas pour aujourd'hui...

Comme la faim se fait sentir et qu'on a en outre tous envie de boire un coup, nous décidons d'aller terminer la soirée au restau. Là-bas, David me montrera ses dizaines de dédicaces qui ornent son Comix 2000 tandis qu'Aurélie parlera chaussure et que Gaïs, atteint d'une surdité étrange, nous fera répéter la moitié de ce que l'on dira ce soir-là. Quant à Guilhem en bout de table, il parlera surtout avec ses deux copains de la librairie Bachi-Bouzouk nous ayant rejoints en milieu de soirée.
Après avoir ripaillé, nous nous livrerons même à une séance « dessine moi un totoro » avec les crayons de couleur de David et des stylos. Des chefs-d'œuvre d'avant-garde, c'est certain. Hips !

Les deux seuls spécimens ayant survécus à mon bordélisme sont signés Aurélie
et c'est presque plus joli qu'un dessin de Sfar...