Mis à jour : mardi 11 octobre 2022

Souvenirs de Marnie : Production

Le premier long métrage sans Isao Takahata et Hayao Miyazaki

L’année 2013 a été importante pour le studio Ghibli, puisqu’il a proposé au public, coup sur coup, Le vent se lève et Le conte de la princesse Kaguya, deux films réalisés par les co-fondateurs et piliers du studio, Hayao Miyazaki et Isao Takahata. Septembre a aussi été le mois qu'a choisi Miyazaki pour annoncer qu’il prenait sa retraite, tout au moins de la réalisation de longs métrages.

Tout le monde s’est alors interrogé sur l’avenir du studio. Souvenirs de Marnie marque donc un nouveau départ, doublé d’un défi, car c’est le premier long métrage auquel n’auront pas participé Isao Takahata ou Hayao Miyazaki. La réalisation a été confiée à Hiromasa « Maro » Yonebayashi, l'un des jeunes talents du studio, qui s'était illustré avec Arrietty, le petit monde des chapardeurs en 2010. Souvenirs de Marnie est son deuxième film au poste de réalisateur.

Même si Arrietty a été le plus gros succès du cinéma japonais en 2010, il a laissé à Yonebayashi le sentiment qu’il n’avait pas tout dit. Un sentiment d’inachevé qu’il souhaitait réparer. Le projet s’est mis en place durant la production du Vent se lève. À ce moment-là, tout le monde sentait que le crayon de Miyazaki n’était plus aussi alerte qu’auparavant. Yonebayashi l’a lui-même ressenti car il était animateur sur le film. C’est ce qui l’a décidé à aller voir le producteur Toshio Suzuki pour lui demander la permission de prendre la direction d’un nouveau projet.

Yonebayashi reçoit alors en retour le roman When Marnie was there des mains du producteur. Tout comme Arrietty, Souvenirs de Marnie est adapté d'un livre étranger de la littérature pour la jeunesse, écrit en 1967 par l’écrivaine britannique Joan G. Robinson, et que Miyazaki a apprécié tout particulièrement (il figure sur sa fameuse liste de ses 50 livres jeunesse recommandés). Mais celui-ci a avoué qu’il n’arriverait maintenant plus jamais à en tirer quelque chose.

Le roman When Marnie was there au Japon

Le roman a été publié au Japon en 1980 chez l’éditeur Iwanami Shoten, dans la collection Iwanami Shônen Bunko, en deux volumes.

En 2011, dans son livre Hon he no Tobira – Iwanami Shônen Bunko wo Kataru (La porte d'entrée vers les livres - Présenter la collection Iwanami Shônen Bunko), qui traite des livres de la collection, Hayao Miyazaki parle en ces termes du roman When Marnie was there :
« En lisant ce livre, il y aura un paysage qui va s’installer dans votre cœur. Une demeure dans le recoin d’un marais, aux fenêtres en façade. Et plusieurs années après, une fois adulte, même si vous avez complètement oublié ce livre, cette maison existera toujours au fond de votre cœur. Et un jour, vous recroiserez ces fenêtres. Sur le chemin de votre voyage, vous trouverez une nouvelle maison, et vous aurez comme une impression de déjà vu qui vous fera vous sentir nostalgique et mélancolique. Et tout à coup, vous vous souviendrez de Marnie. C’est ça l’essence de ce livre. »

Comme à l’accoutumée, c'est environ 6 mois avant la sortie du film en salles au Japon, le 12 décembre 2013, qu'a été officialisé Souvenirs de Marnie, le nouveau projet de long métrage du studio Ghibli, au cours d’une conférence de presse. En acceptant le poste de réalisateur, Yonebayashi a déclaré qu’avec ce film, il n’avait pas l’intention de changer le monde comme pouvait le faire Miyazaki. Mais après des films plus adultes, comme Le vent se lève et Le conte de la princesse Kaguya, il souhaitait revenir à un film Ghibli destiné à un public plus jeune.

Le producteur Yoshiaki Nishimura, quant a lui, se souvient très clairement d’une déclaration de Yonebayashi : il ne laisserait personne dire que le studio Ghibli était incapable de faire un bon film sans Takahata et Miyazaki au générique.

Production

Pour Souvenirs de Marnie, Hiromasa Yonebayashi a bénéficié d’une durée de production plus confortable que sur Arrietty, le petit monde des chapardeurs ou que pour les deux films de Gorô Miyazaki. Il a pu travailler durant un an et demi sur le scénario et les storyboard de son film avant de débuter sa production. Il propose au final un résultat si sensible que, selon Toshio Suzuki, Hayao Miyazaki lui-même n'aurait pas été capable d’atteindre.

E-konte (storyboard) du film, partie A.

Cependant, à la lecture du roman, Yonebayashi trouve le texte certes intéressant et bouleversant, mais se dit qu'il sera compliqué d'en faire un film d'animation. Tout au long du roman, c'est Anna qui parle de ses sentiments de manière sensible et fragile. Aussi, son premier première réflexe est de tout d’abord refuser le projet. Mais il tente quand même de dessiner quelques illustrations.
« Je me suis dit que ça pourrait être une bonne idée d’apporter quelque chose de plus. Anna dessine elle-même. À travers ses dessins ou sa façon d'écrire, je pourrais peut-être aussi décrire les sentiments du personnage. »

Il a également l'idée d'ajouter des scènes non présentes dans le texte original, comme Anna et Marnie qui dansent sous la lune ou la scène de pique-nique en pleine nuit.
« J'ai dessiné ces scènes, et en passant par ces étapes, je me suis finalement dit : je veux continuer, et peut-être que je peux finalement réaliser ce film. »

Pour ce nouveau départ, Suzuki lui adjoint Yoshiaki Nishimura à la production, et une toute jeune équipe de collaborateurs et de nouveaux arrivants.
« Quand Yonebayashi travaillait sur Arrietty, toute l’équipe s’est réunie autour de lui pour le soutenir, car il était débutant et personne ne savait s’il était capable de mener le projet à son terme », explique Nishimura. « Mais cette fois-ci, il prend ses décisions rapidement et son travail est très convainquant. »

Nishimura, quant à lui, reçoit la proposition de Suzuki à l’automne 2012, lui demandant s’il veut faire un film avec Maro. À cette époque, le jeune producteur est encore très occupé sur la production du Conte de la princesse Kaguya. Mais bien qu'il soit réputé pour réfléchir beaucoup avant de donner une réponse, il accepte immédiatement, et pour deux raisons. La première, c’est qu’à l’époque de la projection interne d’Arrietty, il se souvient avoir entendu Isao Takahata déclarer que si un jeune producteur y avait mis toute son âme, peut-être que le film aurait été meilleur. La seconde fait suite à une discussion avec Yonebayashi, qui lui avait avoué que lorsqu’il travaillait sur ses storyboard, il ne parvenait pas à juger s’ils étaient satisfaisants ou non. Il était désireux d'être secondé par une personne pour lui donner son avis, comme Isao Takahata sur ceux de Princesse Kaguya. Après avoir donné son accord, et tout en continuant à travailler sur le film de Takahata, il commence immédiatement à travailler sur les storyboard de Marnie. Pour cela, il rejoint Maro tard le soir à l’appartement où s'est isolé le réalisateur pour travailler.

Sur Souvenirs de Marine, Toshio Suzuki se réserve un poste de « supervision générale ». Il choisit de rester en retrait par rapport au poste de producteur qu’il a occupé jusqu’à présent sur les films de Miyazaki ou Takahata.
« C’est moi qui ai lancé ce projet », explique-t-il. « J’ai choisi les collaborateurs principaux et organisé le planning et je participerai à la promotion du film. Mais je ne serai plus présent aux réunions de production avec l’équipe du film. C’est moi qui ai mis en place les principaux acteurs de ce projet, mais maintenant, c’est à eux de gérer sa production. Je vais certainement avoir envie de donner mon avis, mais je m’abstiendrai. »

La production de Souvenirs de Marnie en manga vue par le réalisateur Hiromasa Yonebayashi.
Planche extraite d’Omoide no Marnie Visual Guide chez Kadokawa Shoten.
(Cliquez pour agrandir l'image.)

Sortie et réception du film

Au Japon, Souvenirs de Marnie est sorti dans les salles Tôhô, partenaire du studio Ghibli depuis 1988, le 19 juillet 2014. Malgré de bonnes critiques, cette sortie n'est pas un franc succès pour un film estival et pour le studio Ghibli. Le film de Hiromasa Yonebayashi a peiné à attirer les spectateurs : après 10 jours d'exploitation, le long métrage n'a totalisé que 10 millions de $ de recettes, soit trois fois moins qu’Arrietty, le petit monde des chapardeurs à la même période, du même réalisateur. Selon Toshio Suzuki, cette contre-performance serait en partie liée à une stratégie marketing orchestrée par le producteur Yoshiaki Nishimura ciblant trop le seul public adolescent féminin.

Illustration et message du réalisateur Hiromasa Yonebayashi extraits du pamphlet du film.
(Cliquez pour agrandir l'image.)

Et comme Suzuki l’avait laissé entendre en cas de non-succès au box-office, le studio Ghibli a annoncé tout début août 2014 que Souvenirs de Marnie serait son dernière long métrage. Le studio se consacrera désormais essentiellement à la gestion des droits et au musée Ghibli.

En France, début septembre 2014, la sortie du film est annoncée en salles pour le 14 janvier 2015, soit six mois après le Japon. Il est d'abord diffusé en avant-première le 7 décembre 2014 au Forum des images à Paris, puis le 13 décembre dans le cadre du Festival du cinéma japonais contemporain, Kinotayo. Sans surprise, il est distribué au cinéma par Walt Disney Studios Motion Pictures France, qui avait annoncé antérieurement avoir signé un accord pour le film en même temps que l'acquisition du Le vent se lève et Le conte de la princesse Kaguya.